dimanche 14 juin 2009

Soupe au lait et à la grimace


Disons le tout net, les problèmes de "producteurs", quels qu'ils soient, ne nous laissent pas indifférents. Déformation professionnelle sans doute.

A ce titre, la crise laitière française révèle à nouveau cette désespérance internationale qui touche tous ceux qui fabriquent ce que nous mettons in fine dans nos assiettes. Ceux qui nous nourrissent sont les moins bien nourris et ont eux-mêmes du mal à se nourrir. Qui faut-il croire ? Qui gagne quoi ?

Aujourd'hui un litre de lait est acheté au producteur 0,28 €. Une vache produit environ 6000 litres de lait par an soit 1680 € de chiffre d'affaires par an. Prenons le principe d'une marge brute à 30% pour tous les acteurs de la filière. Avec 30% de marge, notre producteur gagne 504 € par vache et par an, soit sur un troupeau moyen de 40 vaches, 20 160 € sur lesquels il doit payer ses charges de structures et ses charges salariales. Avec 30% de marge, il gagne 0,084 € par litre.

Imaginons maintenant un lait entier de marque vendu à 1,07€/l TTC, soit 1,01€/l HT en grande surface. Avec une marge à 30% pour notre distributeur, la marge par litre est à 0,30 €, soit 3,6 fois plus que le producteur. Pour un même volume de lait que le producteur, le distributeur va disposer d'une masse de marge de 6000 l x 40 vaches x 0,3 = 72 000 €.

Entre les deux, l'industriel qui lui a collecté, mis en bouteille, étiquetté et livré au distributeur a acheté à notre producteur son lait à 0,28 €/l et l'a vendu au distributeur à 0,71 € (1,01 -0,3), sa marge à lui est de 61%...A moins alors que ce soit le distributeur qui marge plus et l'industriel qui marge moins ? Laissons les se débrouiller entre eux....

Ce dont nous sommes sûrs c'est que le prix du lait payé à 0,28 €/l est une annonce officielle et que le prix de 1,07 €/l est issu ce jour du comparateur "quiestlemoinscher.com"....

Pourquoi cette démonstration ?

Pour expliquer au consommateur que ce qu'il paye avant tout ce ne sont pas les subventions des producteurs mais les spots de pub TV ultra-coûteux des marques sur le lait ou les tracts en couleur distribués massivement par les distributeurs dans nos boîtes aux lettres...

Pour expliquer au consommateur que les pourcentages sont des pièges dans les calculs : préfèreriez-vous gagner 30% de 100 000 € ou 15% de 1 000 000 € ? Faites le calcul et vous ferez le bon choix.

Pour expliquer au consommateur qu'il pourrait imaginer une histoire dans laquelle tout le monde ferait 30% de marge. Le prix du lait ne serait pas à 1,07 €/litre mais à 0,98 €/litre. Pire ! si tout le monde, producteur, industriel transformateur et distributeur prenait le même montant de marge, mettons 40 000 € par exemple, le litre de lait serait lui à 0,70 € le litre !!!

Pour expliquer au consommateur que si la transparence des prix n'est pas réalisable aujourd'hui c'est parce qu'il faudra du temps pour mettre autour de la table, ensemble, les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les consommateurs. Que ce temps est nécessaire pour atteindre la maturité qu'il faudra alors à chacune des parties pour ne pas tomber dans le piège du "prix le plus bas", qui ruinerait définitivement les fondements de la confiance, bien préférable et de loin, à la transparence.

Nous percevons pourtant au travers de ces crises à répétition, l'urgence et la nécessité d'établir une économie sur le prix le plus juste, bâti sur un contrat entre quatre parties, conscientes que de leur responsabilité découlera un équilibre et une stabilité pour un développement harmonieux de la filière.


Une redistribution des rôles dans la filière dans laquelle les distributeurs seraient vaches et où les agriculteurs deviendraient veau-tours n'apporterait aucun effet boeuf.

Le défi des prochaines années est de réunir tout ce petit monde autour d'une table pour décider de ce que nous voulons faire ensemble. Nous nous y employons..

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